Détection de séisme : et si on se fiait aux animaux ?

Publié le par Lalie Bellule

nuée de crapaudsArchitecture appropriée, détecteur de séismes, expérience en laboratoire, mesure de l’activité des plaques sismiques, mesure des changements magnétiques… Depuis plus d’un siècle les sismologues essaient de mettre au point des méthodes pour prévoir les séismes. Les systèmes d’alerte actuels reposent sur des instruments de mesure sophistiqués mais la prédiction de risques naturels n’est pas encore une science exacte. La science et le progrès technique ne nous permettent pas de prédire un séisme quelques jours ou quelques semaines à l’avance ni l’endroit exact où il se produira. Au mieux, on peut prédire qu’il y aura un fort risque de séisme dans quelques décennies dans les régions géologiquement actives car l’histoire des statistiques indique que les tremblements de terre tendent à se reproduire là où ils ont eu lieu dans le passé. Les facteurs qui déclenchent une secousse sont si nombreux et complexes que toute prévision exacte paraît hors de portée des moyens humains. Si l’homme n’a pas, ou plus, la capacité de sentir venir le danger avant qu’il n’arrive, qu’en est-il des animaux ?

 Le premier avantage que les animaux ont sur les humains en matière de détection de catastrophe naturelle, c’est qu’ils sont attentifs à leur environnement. Le deuxième c’est que leur système sensoriel bien plus affuté que le notre leur permet de ressentir les signes les plus ténus de l’arrivée d’une menace dès leur apparition : émissions de gaz, pulsations électromagnétiques, infimes vibrations du sol, déplacement d’air…  Aussi, avant un séisme ou un tsunami  les animaux adoptent des attitudes particulières sans raisons apparentes pour l’homme. Loin d’être anecdotiques, il existe une multitude de cas relatés à travers le monde. En voici quelques exemples.


Les serpents en Chine

Dans la région de Nanning, une éleveuse observe en 2005 que ses serpents sont en proie à une panique destructrice. Ils se tapent la tête contre les murs jusqu’au sang. Quatre jours plus tard la région est frappée par un séisme.  Dès lors les élevages de serpents sont surveillés 24h/24h. Les experts du centre d’étude sismique de Nanning ont ainsi pu relever un comportement récurent. Avant le grand tremblement de terre dans le Sishuan, en 2008, 10 000 serpents ont cessé de manger 10 jours avant le séisme. Après le premier séisme les serpents se sont mis à tourner en rond. Les experts ont alors compris qu’un autre séisme allait survenir. Le lendemain, un autre séisme frappait la région faisant 70 000 morts. Le professeur Yamanaka de l’université d’Osaka relate qu’avant le drame de Fukushima des taupes et des serpents ont été retrouvés morts de froid dans les champs alentours.  C’est également arrivé en 1975, près de Haicheng, peu de temps avant une secousse de 7,3 sur l’échelle de Richter.  Grâce à cette observation prise au sérieux 200 000 vies ont pu être sauvées.

 

Les silures au Japon

Au Japon, le silure joue un rôle clef dans de nombreux  séismes. Il est d’ailleurs sacré comme un Dieu. Les Japonais le prient pour être épargnés par les séismes violents car on dit que les silures sont sensibles aux tremblements de terre.  Motoi Ikeya, scientifique, a étudié le changement de comportement d’un silure face aux ondes électromagnétiques. Le 23 février 2011 il a observé que son silure ne voulait plus rien manger. Le scientifique pensait que son poisson allait mourir parce qu’il était retourné sur le dos et flottait à la surface.  Le tsunami a eu lieu peu de temps après.

 

Les éléphants au Sri Lanka et en Thaïlande

En décembre 2004, au Sri Lanka et en Thaïlande les éléphants s’étaient enfuis avant que ne frappe le tsunami. Ils ont tous été retrouvés vivants. Aucun animal libre de ses mouvements n’a péri alors que 300 000 êtres humains ont perdu la vie.

 

Les chiens et les chats aux Etats-Unis

En octobre 1989 le nombre de chats et de chiens perdus est exceptionnellement élevé. Le géologue Jim Berkland y voit un signe avant coureur de catastrophe et en informe son journal local pour sonner l’alarme. Le séisme a lieu trois jours après.  Il sera suspendu de ses fonctions professionnelles pendant 2 mois et demi et prié de ne plus jamais prédire de séisme. Il reste aujourd’hui exclut de la communauté scientifique mais poursuit ses recherches.

 

Dans le passé bien d’autres animaux, poissons, abeilles, pigeons  ou baleinesont été étudiés afin de trouver des signes précurseurs de séisme, sans toutefois apporter d’éléments aussi probant que l’étude des crapauds.

 

Les crapauds

Rachel Grant, chercheuse britannique de l’Open University, étudie les crapauds dans un lac qui se situe dans le centre de l’Italie. Suite à une surprenante découverte, elle et ses confrères estiment que les crapauds pourraient prévoir la survenue d’un séisme. Alors qu’elle étudie les crapauds depuis plusieurs années, une nuit elle remarque que les crapauds se sont enfuis alors que c’est le moment où ils sont le plus actifs. Cinq jours plus tard, le 6 avril 2009, un séisme de magnitude 6,3 sur l’échelle de Richter frappe la région des Abruzzes, à 75km du lac. Après le séisme, les crapauds sont de retour au lac étudié. Pour la biologiste, c’est la preuve irréfutable qu’il y a une corrélation entre la fuite des crapauds et le séisme.  Cela peut s’expliquer par l’oxydation de l’eau par la libération de gaz et de particules chargées imperceptibles par les hommes mais que les crapauds peuvent ressentir. Cette étude des crapauds est une des premières à avoir observé le comportement animal avant, pendant et après un séisme. En Chine ce comportement des crapauds a également été observé lors du tremblement de terre de mai 2008. Deux jours avant le séisme des milliers de crapauds se sont soudainement rués dans les rues de la ville de Taizhou, dans la province du Jiangsu. Les habitants y ont vu un signe annonciateur d’un désastre.

 

De la simple  observation à l’étude scientifique

 

 L’homme a depuis bien longtemps l’intuition que les animaux sont capables de prévenir une catastrophe naturelle. En 373 avant Jésus Christ Diodore remarque déjà que cinq jours avant un séisme au Japon les souris, les belettes et les scolopendres quittent leur trou et errent dans tous les sens. Face à l’ensemble de ces faits relatés à travers le monde et les âges, il est impossible de penser qu’il ne s’agit que de simples coïncidences. Certes jusqu’ici aucune preuve n’a jamais pu établir de lien formel entre le changement de comportement des animaux et l’arrivée d’un séisme, néanmoins la question commence à se poser sérieusement au sein de la communauté scientifique et quelques chercheurs isolés tentent de découvrir comment les animaux réagissent aux mouvements des plaques tectoniques.  Au Japon, le vétérinaire Mitsuaki Ohta étudie la sensibilité des chiens aux ondes magnétiques et a entrepris de les former à prévenir les humains en cas de signes précurseurs de séismes. Si ces expériences sont en cours, son étude sur les dauphins s’avère déjà très concluante.  En Chine Zhang Xiaodong, directeur adjoint du Centre des réseaux sismologiques, pense que la recherche sur les tremblements de terre ferait une percée majeure si l’on pouvait établir un lien entre un phénomène naturel et l’imminence d’un séisme. La Chine a d’ailleurs un coup d’avance en la matière. En effet, les derniers séismes au Japon, en Haïti, en Turquie et en Italie ayant remis en cause la fiabilité des informations fournies par les systèmes d’alerte, des chercheurs ont suivi l’exemple chinois et entrepris de collecter des données sur le comportement des animaux avant une catastrophe.

 

Si certain scientifiques se penchent sérieusement sur la question une grande majorité d’entre eux restent néanmoins sceptiques face à la capacité des animaux à annoncer un danger. Selon eux, même en présence d’un comportement anormal chez les animaux rien ne permet de savoir précisément où et quand le séisme va frapper, ni sa puissance.  Certes, mais ces signes restent des indices exceptionnels et ne doivent en aucun cas être négligés. C’est à l’homme d’être davantage attentif aux comportements des animaux, de comprendre à quoi ils réagissent, de collecter ces données et d’être capable d’interpréter ces signes. Il sera alors possible de mettre en place un système d’alerte.

 

On est en droit de croire que c’est le progrès technique dans le domaine des sciences et des technologies de l’information qui nous permettra dans l’avenir de déceler à temps les catastrophes naturelles pour les affronter, mais pourquoi ne pas croiser différents signes avant-coureurs ? Pourquoi ne pas s’intéresser dès aujourd’hui  aux signaux délivrés par les animaux ? Un manque d’humilité peut-être. Mais, à la fin, qui peut prétendre en savoir plus que la Nature ? 

Publié dans Planète Vivante

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